Dans un entretien à Famille chrétienne, le cardinal Barbarin déclare :
Selon vous, la prière en famille est un facteur clé de cet éveil des vocations ?
Cela me paraît essentiel. En fait, dans les années 1960, avant l’apparition de sa majesté la télévision, il y a avait encore la prière du soir communautaire dans 60% des familles catholiques
françaises. Vous rentrez aujourd’hui dans des familles chrétiennes, et vous voyez l’écran plat, plus le portable, plus l’ordinateur… On s’est fait avoir de façon insidieuse. Comment voulez-vous
qu’un jeune applique aujourd’hui la recommandation de Jésus : « Toi, quand tu pries, rentre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le secret » ? Il rentre dans
sa chambre, le mp3 dans les oreilles, il allume l’ordi, il voit Ben Laden, les embouteillages, le dernier concert de Lady Gaga, etc. Là-dessus, son portable sonne, un copain l’appelle… Or la
prière du juif et du chrétien, c’est « Écoute » : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute ». Dur, dur, aujourd’hui. C’est pourquoi je conseille fortement aux jeunes d’apprendre
à prier.
Apprendre à prier ?!
Bien sûr ! Cela ne s’apprend pas comme le judo, le chinois ou le violon, mais cela s’apprend. Jésus a bien appris à ses apôtres ! Quand j’étais aumônier de lycée, des jeunes me disaient : «
Vous nous dites de prier un quart d’heure par jour. Moi, je me mets dans ma chambre, j’éteins tout, j’ouvre un Évangile mais, au bout de cinq minutes, je ne sais pas quoi faire… ». Alors je
leur ai proposé de prendre trois jours pour apprendre à prier. Vingt ans plus tard, je continue. Et apprendre à prier, c’est d’abord prendre la résolution de prier. Par exemple, une demi-heure
par semaine – mais c’est une demi-heure à laquelle tu ne touches pas. Pas une minute de moins. Pendant une demi-heure, tu te mets sous la Parole de Dieu. Elle arrive comme un enseignement
intérieur, qui touche, bouscule, remet en question, éclaire, etc. Elle fait son œuvre. Parce que la Parole de Dieu, c’est parfois de la foudre, parfois, du miel ! Je leur dis : « C’est comme
ça que Dieu s’y prend. Laisse-le faire ». [...]
Quand j’entends dire dans certaines communautés : « On va lancer l’adoration et on aura plein de vocations », je réagis : « Arrêtez d’instrumentaliser le Saint-Sacrement pour
augmenter vos chiffres ! » Pour d’autres, c’est l’inverse : « L’Église a été phagocytée par la caste sacerdotale, c’est fini. Aujourd’hui, elle est prise en charge par tous. Plus besoin
de prêtres ! » Cela exige également une conversion des prêtres. Car il peut y avoir chez eux deux tentations : celle du « sergent recruteur », ou celle du désabusement : « Il faut
inventer autre chose ». Ces deux attitudes sont pécheresses : être serviteur, c’est être au service de la volonté de Dieu qui est toujours plus grande que notre jugement, notre désir de
vocations ou notre contentieux avec l’Église. [...] Beaucoup de prêtres ont eu des difficultés avec l’Église. Alors, ils ne désirent pas, au fond du cœur, qu’il y ait de nouvelles vocations. Cela
aussi doit être converti : mettre ses souffrances et ses blessures dans la miséricorde de Dieu afin de les dépasser et pouvoir continuer, quoiqu’il arrive, de servir la volonté de Dieu.